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Quand j’ai lu sur le blogue de l’auteur Dedieu qu’il s‘apprêtait à lancer une collection “Bon pour les bébés” (ça ne peut pas être plus clair), testée et approuvée dans les crèches françaises, je trépignais d’impatience de voir à quoi la bête ressemblerait.

Le principe est simple: des livres cartonnés à hauteur de lecteur (38 cm) qui présentent des textes choisis pour leur musicalité et portés par des illustrations contrastées. Le tout a une belle facture, un lustré qui illumine le noir et blanc. Oui, mais bon.

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Voyons les titres: “Dans sa maison, un grand cerf”, on connaît la chanson. La couverture déjà me plaît, les yeux du cerf semblent accrocher le regard du lecteur. Le texte, “Un grand cerf/sa maison/par la fenêtre” empêtré de belle façon dans les bois, nous laisse des fragments de ver d’oreille dans la tête.

“Tas de riz, tas de rats”, ça pétarade déjà. Tout un défi de lecture, mais même si on trébuche un peu, l’effet comique du virelangue est là. Et les petits rats frémissent de gourmandise à travers les pages.

“Un roc/ pic un cap/ péninsule” clame-t-on sur la couverture de“La tirade du nez” tirée de Cyrano de Bergerac. Je crois que c’est le changement de ton qui fascine le plus (agressif, descriptif, gracieux, etc.) Il est amusant de voir les multiples transformations que subira le nez. Il sera même coupé en rondelles comme un saucisson, pauvre nez!

“Triangle/ de l’hypoténuse/ côté”, le théorème de Pythagore devient poème. Le triangle se transforme en chat, en cygne et en bateau à voiles, l’illustration évoquant le jeu chinois tangram.

Et qu’en pense le renardeau, c’est quand même pour lui au final que l’on fait tout cela. Il tente de saisir le cerf avec sa petite menotte, regarde attentivement la renarde lorsqu’elle parle de riz et de rats et bave joyeusement sur Pythagore. Je crois que le test est concluant.

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Quelques fois les hasards de lecture tissent des liens inusités entre des œuvres. Cette semaine, le roman Victor de Simon Boulerice et le manga Sunny de Taiyô Matumoto se sont partagé ma table de chevet.

Le personnage principal de Victor est le jeune premier d’un film. On s’attarde ici à sa personnalité plutôt sérieuse, très loin du bellâtre superficiel auquel on pourrait s’attendre. Étant un grand lecteur, il est fasciné par les dernières phrases que les gens célèbrent prononcent avant de mourir.

Le beau Victor s’est brouillé avec ses parents pour une raison que je ne dévoilerai pas ici et décide qu’il est orphelin. « Vous n’existez plus pour moi. » (p. 14) On découvre au fur et à mesure du récit que la vraie cause n’est pas celle qui était présentée au départ.

La nouvelle série de romans pour lecteurs adolescents « Casting », des éditions la Bagnole, présente trois personnages (Charlotte, Victor et Victoria) qui prennent vie sous la plume de trois auteurs différents (Chloé Varin, Simon Boulerice et Stéphanie Lapointe). Ceux-ci vivent le même événement (les auditions pour le film Une famille à l’envers) et le racontent de leur point de vue. Le tout prend la forme d’un journal intime avec indication de lieu et de date en tête de chapitre (à la manière de discalies), même si cedit journal n’est pas présent dans le récit. Le personnage parle plutôt dans le roman de son Journal d’observations.

Comme toujours chez Boulerice, les fines observations du quotidien séduisent et rendent plus réels les personnages en dévoilant leur force et leur vulnérabilité. Par exemple, Victor remarque que Charlotte fait un tapage terrible avec ses gougounes, alors que lui à s’effacer et à marcher discrètement. « […] Sa démarche tonitruante est celle d’une fillette attachante. Pourvu que le milieu du cinéma ne gâche pas ça. Pourvu que Charlotte Lemieux continue toute sa vie de faire claquer se gougounes là où elle pose les pieds. » (P.41)

Cela dit, ce n’est pas mon roman préféré de cet auteur, le roman reste un peu sage, malgré des personnages intéressants, mais la lecture en est très fluide et parsemée de belles trouvailles. J’aimerais mentionner aussi la présence de plusieurs citations d’œuvres littéraires dans le roman qui promeut une liberté de lecture réjouissante. À partir de 12 ans.

Sunny

Ce manga présente des portraits d’enfants qui habitent même maison d’accueil à cause de leur situation familiale difficile. Sunny est la marque d’une voiture abandonnée qui leur sert de terrain de jeux, un lieu où ils se projettent dans des rêves éveillés.

Ce qui m’a plu particulièrement dans ce manga c’est qu’on y présente un Japon moins froid et aseptisé qu’on a l’habitude de voir. Tant dans les thèmes que dans la forme. Le trait est légèrement charbonneux, la perspective très proche que celle que peuvent avoir les enfants, légèrement en contreplongée. La narration change de point de vue, passant d’un personnage à l’autre même si l’auteur affirme raconter ses propres souvenirs.

« D’un autre côté, je ne voulais pas laisser passer trop de temps, car je craignais de me mettre à idéaliser les choses. Ce que je raconte dans ce manga a réellement eu lieu, et avant de commencer à écrire, j’ai d’abord réfléchi aux conséquences que cela aurait pour eux et pour moi. J’ai failli ne pas écrire cette histoire. » Matsumoto Taiyô entrevue avec Xavier Guibert sur Du9.

Les personnages sont aussi très vivants. Un petit, Junsuke, a constamment le nez qui coule. Les enfants passent leur temps à se chahuter. Le directeur de la maison dit d’ailleurs : « Quand les gosses me parlent, leur égoïsme finit toujours par m’énerver, mais… » « … si je me contente de les écouter de loin, je les trouve mignons. » (p. 161 : 2)

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la-renarde500Stéphanie Lamothe, alias la renarde, a la chance d’être bibliothécaire. Elle cherche à faire le pont entre les livres qu’elle aime et tous les gens qu’elle côtoie. Depuis peu, elle est devenue mère d’un petit renardeau à qui elle espère transmettre sa passion.

Et pourquoi la renarde? Parce que le renard est le plus bel animal! Il attire l’œil avec son pelage roux (curieusement, il en existe toutefois de toutes les couleurs à travers le monde). J’apprends sur Wikipédia qu’on le nommait goupil jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Le mot « renard » est en fait le prénom du héros du Roman de Renart qui a remplacé « goupil » par éponymie. Un animal baptisé à partir d’une œuvre littéraire, quel bon départ. Samivel, un auteur à la fois graphiste et alpiniste (!), a adapté avec beaucoup d’humour ce roman en quelques albums dont Goupil : sur un thème du Roman de Renard qui ont été réédités.

Par la même occasion, on m’annonce que Zorro signifie renard en espagnol et qu’il existe des sorcières coréennes surnommées les « renardes ». Pierre Kabra met d’ailleurs en scène dans la trilogie Mikazuki des démons renards issus du folklore japonais. Un roman d’apprentissage à découvrir absolument pour son atmosphère dense et mystérieuse et pour tout ce qu’on y apprend de la culture japonaise traditionnelle.

Et où déniche-t-on le renard dans la littérature jeunesse? Présent depuis longtemps dans contes traditionnels, le renard use souvent de la ruse, notamment dans les fables. Le corbeau et renard de Lafontaine superbement illustré par exemple par Dedieu (duquel je ferai sûrement l’apologie dans un autre billet). Tatsu Nagata son bon ami (!) présente lui aussi le renard dans sa série de documentaire : « les sciences naturelles de Tatsu Nagata », une collection qui présente de manière humoristique les animaux en montrant quelques caractéristiques qui leurs sont propres.

Le renard peut représenter un personnage sauvage à apprivoiser ou une amitié naissante (Petit Prince, Jane, le renard et moi), Il est aussi un être sensible et, avouons-le, vaniteux. C’est souvent d’ailleurs avec ce travers que les raconteurs d’histoires aiment le mettre en scène. C’est le cas dans l’album Le problème quand on est un renard où se dernier se targue de devoir toujours être intelligent. Cela en fait un protagoniste d’autant plus attachant qu’il partage avec l’homme certains défauts. Dans Fantastique maître renard, court roman de Roahl Dahl adapté au cinéma (en animation) par Wes Anderson, il se lasse de son métier de journaliste par orgueil et décide de dévaliser les poulaillers de la région. Les fermiers vont bien sûr vouloir se venger.

Enfin, je ne peux passer sous silence le magnifique album coup de poing abordant le thème de la maladie d’Alzheimer. L'histoire du renard qui n'avait plus toute sa tête. Un renard vieillissant oublie le jour où l’on est, ses idées, les anniversaires, ne se souvient plus où il habite et finit par oublier même qu’il est un renard. Heureusement les renardeaux prennent soin de lui et ne le laissent pas dormir seul.

En ordre d’apparition:

  • Goupil : sur un thème du Roman de Renard / texte et images de Samivel (album)
  • Mikazuki / Pierre Kabra (roman ado)
  • Les fables de La Fontaine : Le corbeau et le renard et autres fables (contes)
  • Les sciences naturelles de Tatsu Nagata. Le renard (documentaire)
  • Jane, le renard et moi (bande dessinée)
  • Fantastique maître renard, Roal Dahl, Quentin Blake et Wes Anderson (premier roman et film)
  • Le renard qui n’avait plus toute sa tête (album)

D’autres suggestions:

  • La renarde / [texte de] Laurence Bourguignon ; [illustrations de] Guy Servais. (album)
  • Le corbeau et le renard / [texte de] Loïc Dauvillier & [illustrations de] Matthieu Maudet (bande dessinée)
  • Contes de monsieur Renard (contes)

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Plusieurs livres m’ont accompagnée durant ma grossesse (et après). Je présente ici mes plus belles rencontres.

Le premier est un ouvrage documentaire incontournable que l’on met souvent entre les mains des mamans qui veulent montrer au futur grand frère/grande sœur à quoi ressemble la petite crevette qui croit dans leurs ventres : L'odyssée de la vie racontée aux enfants.Je ne suis pas particulièrement friande d’images synthèses, mais celles-ci sont très crédibles. Elles sont tirées d’un film de Nils Tavernier. On y voit le fœtus croître jusqu’au bébé à terme.

Le suivant est un album jeunesse chez MeMo, un éditeur que j’affectionne particulièrement : En t’attendant d’Émilie Vast. Une mère raconte à son enfant à venir les découvertes de la nature qu’elle a hâte de partager avec lui. Construit sur les changements découlant de la succession des saisons, ce magnifique ouvrage présente le temps qui s’écoule pendant que le petit être, destinataire se développe. « En t’attendant, j’ai vu… la pluie devenir neige. » L’illustration est, épurée, utilisant les aplats de couleur et évoquant ce que j’imagine être un certain graphisme scandinave. Le ton est celui de l’émerveillement à la fois pour la richesse de ce qui nous entoure, mais aussi pour la rencontre à venir.

On connait Marie-Sissi Labrèche pour ses autofictions débridées, La vie sur mars abordant le thème de la maternité n’y fait pas exception. Par delà la fantaisie dans l’excès et l’humour réjouissant qui arrivait bien à point dans mon post-partum, l’auteure est aussi très réaliste dans l’évocation de sentiments. Elle pose des questions pertinentes sur la relation mère-fils et sur la difficulté de rester soi-même à travers le nouveau rôle de mère.

J’ai beaucoup aimé aussi le Journal de la création de Nancy Huston. Elle se penche dans cet ouvrage sur quelques couples d’écrivains célèbres (Sand/Musset, Virginia/Léonard Woolf, Scott/ Zelda Fitzgerald) qui ont vécu la vie de famille ou pas. Il faut être honnête, cela ne se passait généralement pas bien pour la femme. En parallèle, elle tient un journal de grossesse et note ses impressions.

Si j’avais un seul livre à proposer sur la maternité ce serait sans hésiter : Les tranchées : maternité, ambiguïté et féminisme, en fragments de Fanny Britt que j’ai lu durant ma grossesse et relus après la naissance de mon petit opossum. Par des témoignages et discussions de femmes qui sont mères ou ne le sont pas, l’auteure affirme haut et fort une maternité et une féminité qui s’exprime hors des clichés et du discours normatif.

Et enfin, un petit clin d’œil aux ressemblances et autres airs de famille que tout l’entourage du nouveau petit être cherche à tirer vers soi : Au monde de Rascal. Un album cartonné magnifique qui aborde avec humour la filiation et la personnalité que l’on projette sur l’enfant. « Mon demi-frère raconte partout qu’hormis la couleur de peau tu lui ressembles de la tête aux pieds! » Au fait, vous ai-je dit que mon petit a des reflets roux dans le pelage ?

  • L'odyssée de la vie racontée aux enfants (documentaire jeunesse)
  • En t’attendant d’Émilie Vast (album)
  • La vie sur mars (roman)
  • Journal de la création de Nancy Huston (essai)
  • Les tranchées : maternité, ambigüité et féminisme, en fragments de Fanny Britt (essai)
  • Au monde de Rascal (album tout carton)