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Imaginez le Québec en 2048: pays désertique et envahi par des milliards de moustiques dès que le soir tombe. Mais ce n’est pas le pire: son gouvernement utiliserait des drones qui enregistrent les moindres faits et gestes de toute la population dans le but d’en assurer la sécurité.

Le contexte de la fin de la trilogie de science-fiction d’André Marois n’est pas très optimiste, mais c’est toujours réjouissant de plonger dans son écriture. Bon d’accord, les personnages sont divisés en deux clans: les gentils rebelles, Hugo, Lolla et le clan de Saint-Glagla, que l’on avait suivi dans Les voleurs d’espoir et Les voleurs de mémoire. Et les méchants vraiment des brutes: surtout des policiers, dirigés par leur chef Laiglon aussi bouffi d’orgueil que de bêtise.

Mais l’intrigue est prenante: dans cet épisode un meurtrier en série s’attaque à ses victimes en les assommant avec une vieille lame de tondeuse à gazon (objet on ne peut plus désuet dans un pays où pas la moindre brindille n’a survécu aux températures extrêmes) et en les laissant se faire dévorer par les bestioles ailées assoiffées de sang.

Le monde futuriste décrit est conséquent avec certains abus écologiques, technologiques et politiques de notre époque, mais ce qui me plaît le plus est le ton de la narration imagé et très concret. “Les serveurs installés en enfilade s’activaient pour collecter et gérer les tonnes d’Informations qui les gavaient sans cesse. Comme si un ogre s’enflait et se renforçait à chaque bouchée de ses victimes. L’énorme machine et ses techniciens formaient un tout homogène et synchrone.” (p.71)

Deux autres séries de science-fiction québécoises à découvrir:

Les Pulsars d’Ève Patenaude

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Le Labyrinthe des rêves de Johanne Gagné

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J’ai eu le bonheur de découvrir en librairie il y a deux semaines un nouveau livre cartonné de Marianne Dubuc. J’avais adoré les deux titres du même format publiés à la Courte échelle et les avais (sur) exploités en animation. Mon renardeau est un prétexte génial pour en faire l’acquisition.

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Marianne Dubuc allie la douceur du trait au crayon de couleur et la précision de l’expression. Dans son dernier titre, elle prend le temps d’explorer l’atmosphère du voyage, d’écouter la pluie (répétition du son “plic ploc”) et le temps qui passe lentement.

Le fil narratif est le récit du déluge. Alors que dans les deux albums de même format , il était plus formel et s’amusait à déjouer les attentes du lecteur.

  • Devant ma maison présentait une suite déplacements dans l’espace (celui de l’histoire, mais aussi dans l’aspect matériel du livre, à travers le corpus littéraire jeunesse)

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  • Le Carnaval des animaux quant à lui mettait en scène un enchaînement de déguisements ludiques où les animaux prenaient l’apparence d’un de leurs cousins éloignés

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L’histoire de l’Arche des animaux ne se joue pas du point de vue des hommes (Noé) mais de la perspective des bêtes qui ont souvent des comportements enfantins. On explore ici ce que font les animaux durant ce long voyage, à quoi ils pensent, à quoi ils jouent. L’arche est elle-même vue de loin comme “une drôle de créature”.

Le temps de lecture n’est pas le même que dans les autre titres, il y est plus lent. Il s’étire confortablement comme un long chat et c’est génial ainsi.

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Oui, je sais, on a déjà fait un tour des livres sur le renard, mais je ne pouvais quand même pas passer sous silence la bande dessinée La renarde, paru récemment chez Professeur Cyclope.

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On connaît Marine Blandin pour le singulier Fables nautiques, elle signe ici en collaboration avec Sébastien Chrisostome un album de strips qui met en vedette la renarde: un être tout en rondeurs et en perfidie.

La cruelle passe son temps à trouver des ruses pour manger les petits de la lapine, on se demande même comment cette dernière trouve le courage d’en avoir d’autres tant ils sont destinés à finir avalés tout ronds.

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(source: telerama.fr)

On y croise aussi un cheval, qui se croit le roi de la rime et de l’audace, mais qui est surtout victime de sa gourmandise, les puces Bud et Terence qui ont le malheur de vivre sur un vieux loup galeux, le chasseur et son chien stupide.

La renarde les berne tous dans la bonne humeur. Le tout reste léger, mais bien efficace.

 

À découvrir aussi, le Grand méchant renard qui est quand même moins méchant que… maternel ?

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Certains livres posent des questions embêtantes, je ne vous apprends rien. Ils ont le pouvoir extraordinaire de modifier notre perspective sur la vie. Des médecins en prescrivent même pour soigner des troubles de santé mentale.

Je vous en présente deux ici qui s’interrogent sur notre rapport au travail. Comment notre métier/nos actions peuvent avoir un impact positif sur notre entourage et au final, nous aider à trouver une certaine sérénité. (Non je ne parlerai pas d’ouvrages de psychologie populaire, promis). Le livre d’images Et moi que pourrais-je faire? de José Campanari propose une ouverture vers l’autre qui devient salutaire et la bande dessinée Tueur de moustiques de John Porcellino illustre le cheminement d’une réflexion qui poussera le narrateur à abandonner son emploi. (eh oui, je vous dévoile déjà le dénouement)

Et moi que pourrais-je faire?

Si à l’instar de M. Untel, il vous est déjà arrivé de vous lever marabout et d’empirer votre état en lisant le journal. S’il vous vous êtes senti démuni face à toutes ces mauvaises nouvelles qui tournent dans votre tête : ce livre est pour vous ! Véritable antidote à l’impuissance, le texte tout en nuances est magnifiquement illustré par un collage de matériel recyclé. Une superbe récupération de la parole de médias (journaux) pour constituer la sienne.

 

Tueur de moustiques

Je ne connaissais pas cet emploi et à première vue il me semblait plutôt inoffensif. Mais quand on apprend qu’il consiste à larguer du BTI (larvicide microbien) dans les lieux de reproduction de moustiques, c’est moins rigolo. Le journal en bande dessinée permet d’approfondir la réflexion du narrateur qui passe de la fierté adolescente de détruire et de vivre à l’extérieur comme un explorateur, à celle de contemplatif. “ Et puis, je pense que quiconque passe autant de temps dans la nature y gagne forcément une capacité à s’émerveiller et à respecter la vie et le monde naturel… » (p.87 : 1)

La violence et la jeunesse sont exprimées par une maladresse du trait au début. Ce dernier s’affine tout en rondeur, illustrant une certaine harmonie avec nature. Cette économie de moyens est présente dans la page couverture où le personnage est montré avec les trois traits soulignant la stupéfaction (prise de conscience) devant l’insecte.

Ce livre est aussi l’occasion de découvrir le travail de diariste de John Porcellino qui raconte ses histoires dans le fanzine « King-Cat » (http://www.king-cat.net/) depuis plus de 25 ans. Le thème rassemble des récits écrits entre 1989 à 1999.

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Un des plaisirs du voyage est le raconter. Mon ami et auteur Jacques Boulerice vient de publier avec son amoureuse-photographe, Madeleine Ghys, un chouette livre Un autre jour: récits de voyage sur les bancs publics. Le projet est lumineux, pendant un an le couple a fait parvenir des cartes postales à des amis, évoquant des bancs publics au gré des espaces et du temps qui passe. Comme plusieurs textes s’apparentent au jeu, il est tout à fait approprié d’en parler ici.

“Lundi 9 juillet

Quand l’étape s’allonge, à force de fixer l’horizon, nous n’arrivons plus à distinguer la vraie nature des formes dessinées sur la ligne. La famille se divise alors en deux équipes: les promontagnes et les pronuages. Parfois, un petit comique plaide pour de la barbe à papa, de la bourre ou des peluche. N’importe quoi ! Une fois la preuve établie qu’il s'agit bien d’une montagne, le premier qui la voit bouger gagne une autre journée mémorable. Au soir, le sommeil s’étend avec nous comme sur un nuage.”

J’ai eu la chance d’en recevoir et le bonheur de répliquer.

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Entendu au temple de Fushimi Inari (Kyoto):

-Ce qui est bien ici c’est que les renards ne bougent pas trop. On les a tellement vénérés qu’ils se sont pétrifiés.

-On pourrait essayer avec les corbeaux, ça nous ferait des vacances.

-Et qui nous avertirait le jour du ramassage des déchets ?

J’en profite par la même occasion pour pointer deux chouettes albums qui peuvent très bien être le point de départ d’un exercice d’écriture amusant:

Chers maman et papa : cartes postales du suricate

J’adore Emily Gravett pour son irrévérence et ses jeux de mise en abyme.

Mon album de cartes postales, texte de Titus et dessins par Oubrerie (si si, le même qui a illustré la série de bandes dessinées Aya de Yopougon)

Bon voyage!