0 Commentaires

Avec les bilans du nouvel an, on est assailli de nombres qui ont plus ou moins de sens. Je me suis souvenue du projet de Bunpei Yorifuji dans L’échelle de l’esprit.

“Autrement dit, explorer notre ressenti vis-à vis des nombres et le ressenti des nombres eux-mêmes. Mesurer nos pensées et écouter la pensée des mesures.” p.4


9782490077601c


Dans ce documentaire illustré, la section qui explique comment fonctionnent nos évaluateurs mentaux est vraiment géniale. L’auteur examine plein de facteurs qui influencent la manière dont on se représente les nombres. Ce qui détermine par exemple notre perception d’une situation et certaines de nos actions: nos achats, nos comportements.

Et vous savez quoi? Une fois que notre opinion est formée, il est difficile (impossible)de penser autrement.


L’échelle de l’esprit explore aussi la forme des nombres: le système de notation positionnelle (ajouter un chiffre à chaque fois que l’on multiplie un nombre par dix) qui est bien pratique pour noter des nombre mais pas trop pour figurer combien ça fait. 

Il s’attarde à l’utilisation courant de diverses unités pour voir quelle utilisation on pourrait en faire dans l’expression des sentiments humains.

“Ainsi, l’auteur propose d’utiliser le « Minami » pour mesurer le sentiment partagé entre deux personnes qui sont plus qu’amies, mais pas encore amantes ; le « Thankyou » pour quantifier cette sensation de pouvoir compter sur un ami en cas de coup dur ; et le « Bateau-usine » serait quant à lui une façon de chiffrer le sentiment de surmenage au travail.” L’ÉCHELLE DE L’ESPRIT – Éditions B42 (editions-b42.com)


Enfin l’auteur propose une manière originale de comprendre les nombres en les figurant avec son corps pour les lire. Par exemple avec sa main, si on dit que la surface d’un doigt est une unité, alors la main ouverte couvre 10.

Il termine en souhaitant que les nombres éloignés de notre perception acquièrent le même super pouvoir que certains chiffres qui nous sont amis.


L’échelle de l’esprit de Bunpei Yorifuji n’est pas le premier ovni littéraire de cet auteur. Illustrateur et graphiste japonais, il réfléchit à la manière d’illustrer des concepts abstraits ou vulgariser des sujets plus ou moins tabous: le caca ou la mort.


Dans La vie merveilleuse des éléments, il a personnifié chaque élément du tableau périodique en associant des caractéristiques physiques humaines (barbu, chauve).


b42-objets-bunpei-elements-poster-zoom-2-1024x683


D’autres livres pour mieux comprendre les nombres, des statistiques sur notre monde.


9782330111441c9782368088913c



0 Commentaires


Je ne suis pas une outarde, de Sébastien Gagnon, Édition Bayard Canada

9782897704551c


Un récit psychologique haletant qui met en vedette le cadavre noyé de Sierra, une adolescente dont on découvre le destin tragique dans les bois, au Lac St-Jean.

Un récit court, fragmenté, j’ai été été captivée par cette histoire raconté au "je" qui présente une jeune femme à la fois frondeuse et fragile et dont la langue inventive surprend les lecteurs à chaque page.


“Dur à croire, mais j’ai déjà été une petite fille naïve,

avant de connaître les difficultés hormonales et familiales.

Et avant d’être cette ado géniale et endurcie

que tu commences à découvrir,

je pensais que tout le monde, une fois passé l’asphalte, était fin.

Imbécile, mais fin.

Ce n’est pas le cas.


C’est donc pour des raison mûrement réfléchies

qu’on garde dans un état lamentable la trail qui mène à notre camp.

Le chemin est défoncé, caillouteux, branchu.

Tout sauf invitant.” (p. 21)

0 Commentaires


Cette première neige est l’occasion de redécouvrir un magnifique album pour commencer à se mettre dans l’ambiance des Fêtes.

Soda mousse : un Noël pétillant, écrit par Mélanie Jannard, et illustré par Agathe Bray-Bourret, aux Éditions La Bagnole.


Ce livre nous plonge dans l’univers festif de Richard, un homme-enfant.

Nous sommes à la veille de Noël.  Son amie, Madame Petits-Plats, lui a interdit d'ouvrir son cadeau avant minuit. Il doit donc passer le temps et décide de sortir chercher du soda mousse à partager avec son ami bonhomme de neige.


Richard fête Noël seul, mais est entouré de tout un village où il se sent bien.

"Il ne pensait pas croiser sur son chemin autant de personnes qu'il aime bien!

Malgré la température hivernale, une chaleur s'installe confortablement à l'intérieur de lui." (p.31)


On vit avec Richard sa joie immédiate.

La musicalité des phrases, simples, rythme et transmet la frénésie de l'attente.

Richard doit patienter avant d'ouvrir son cadeau. Et quand le moment est finalement venu:


"Essoufflé, il se rappelle que la fête est loin d'être terminée.


-Mon cadeau! C'est sûrement l'heure de le déballer!


Il commence par enlever l'immense chou

pour se le mettre sur la tête. Son public est en délire !

Puis il déchire l'emballage frénétiquement.

Plus besoin de se retenir!"


J’ai été éblouie par les illustrations naïves et gracieuses, à la gouache et au feutre qui donnent vie à ce récit.

Les petits détails qui pullulent dans les pages font à la fois rire et émeuvent.

On trouvera dans les multiples références, une profondeur qui parlera aussi aux adultes.


Richard recevra de son amie le cadeau parfait: celui que je vous invite à découvrir par la lecture.

Soda Mousse: un Noël pétillantdeviendra sans aucun doute un incontournable des albums de Noël par sa singularité et le bonheur qu'il procure.


Psitt: l’autrice fera la lecture de son livre à la bibliothèque Hochelaga le vendredi 10 décembre à 18h. Pour plus d’information, appelez à la bibliothèque.

0 Commentaires

Je ne m’en cacherai pas, je suis une fan de la critique Sophie Van der Linden (je vous invite d’ailleurs à consulter son blogue:  https://www.svdl.fr/svdl/)

Elle avait publié il y a déjà dix ans un ouvrage essentiel “Je cherche un livre pour enfant de la naissance à 7 ans” qui est une mine d’or pour qui a besoin de suggestions de livres.

Son plus récent titre: Tout sur la littérature jeunesse de la petite enfance aux jeunes adultes offre un panorama pratique sur le sujet: des suggestions récentes comme classiques, mais aussi les caractéristiques et les grands enjeux de cette littérature,

9782075136778_medium

Elle sait parler intelligemment et de manière accessible de la littérature jeunesse.

J’y ai appris entre autres que contrairement à la croyance populaire, les bébés discernent très tôt les couleurs (dès le deuxième mois de la vie). Par contre, les livres offrant de forts contrastes en noir et blanc aident à éduquer l’œil des petits à ce mode de figuration. (par exemple les albums de la photographe Tana Hoban)


9782877671170_medium


La double page sur le manga expliqué aux adultes (qui n’en lisent pas, ne généralisons pas) est aussi essentielle: on y présente les caractéristiques essentielles: le sens de lecture, mais aussi les choix typographiques qui font sens, l’importance des sons et la lisibilité des émotions. (p. 120-121)


De nombreux témoignages de parents, de jeunes lecteurs et de professionnels du livre étayent aussi l’ouvrage. Bref, c’est un magnifique cadeau à s’offrir!

0 Commentaires


Deux lectures émouvantes comme ce printemps, qui construisent avec le sujet de l’anxiété des rêves de bouleversements.

Temps libre de Mélanie Leclerc, autofiction en bande dessinée parue chez Mécanique générale et Trash anxieuse de Sarah Lalonde récit poétique paru chez Leméac jeunesse.


Temps libre c’est l’histoire en images et en mots d’une femme, mère de trois enfant, commis de bibliothèque à temps partiel et cinéaste à temps perdu. Une artiste qui tente de raconter les fragments de la vie qui habite sa marraine atteinte d’Alzheimer, tout en soutenant à bout de bras sa mère malade du cancer et sa petite tribu, sa famille, remplie de vie et de besoins.


9782925125006_large


On y trouve de magnifiques pleines pages qui montrent le poids de la neige sur un arbre pour illustrer le poids des rêves difficiles à soutenir. Le visage fragmentée de la marraine, par des pièces de casse-tête, comme les mots qui s’échappent de sa tête et la paranoïa qui s’installe. De belles analogies entre les points de suture de sa mère, qui a accepté une opération et la courtepointe qu’elle termine, symbole de toutes ces miettes arrachées au temps qui passe. Et tout ces bouts du film que l’on imagine en construction, ces traverses d’autoroute où l’on imagine les neurones d’entrechoquer, ces accumulations de livres partout.

Mais surtout l’humanité, l’adresse dans les dialogues pour faire exister tout ces êtres de papier.


Trash anxieuse, raconte avec des mots qui créent des images fortes, l’histoire d’une adolescente aux prises avec des crises de panique reliées à l’éco-anxiété autant qu’aux chavirements de son quotidien.


9782760942530_large


J’aime la crudité avec laquelle l’autrice brasse le quotidien, exhibe ses blessures pour construire sa réalité.

“J’me suis écroulée. Avec personne pour m’rattraper. Ma tête froide fracturée sur le sol en béton où s’égrainaient en miettes les battements de mon cœur.” (p.10)

Ses parents se séparent, sa mère a une nouvelle amoureuse, son père est en dépression. Elle fait de nouvelles rencontres, flirt avec le militantisme mais toujours avec une forte affirmation de ce en quoi elle croit, ou pas.

“Dans la vie, j’ai souvent de la misère à déterminer qui a raison, mais je défais ma main de la sienne. Mon non-verbal prend position.” (p.89)


C’est le monde qui la secoue qui la forme et la fait réagir.

“Une broderie de tissus dans une clôture Frost rouillée s’adresse directement à moi Tu ne t’es pas perdue, tu cherches.

Ce que je lis, j’aurais aimé l’écrire” (p. 124)


C’est vivant, bouleversant, un électrochoc plus que bienvenue en ces temps essoufflés.